Etre conservateur-restaurateur : un diplôme, une compétence, une éthique

En France, la profession de restaurateur du patrimoine est en grande souffrance. Au bord du gouffre. De plus en plus nombreux sont ceux qui abandonnent le métier, les commandes publiques se raréfient, les revenus sont en chute libre. 40 ans après la création des formations supérieures, très exigeantes, voulues par l’Etat, les professionnels de la conservation-restauration n’ont toujours pas de titre protégé, ni de fonctions permanentes dans les institutions publiques sauf de rares exceptions, les marchés publics ignorent la spécificité de leurs prestations, les dimensions scientifique et intellectuelle du métier continuent à être méconnues.

« Nous défendons un diplôme et un code d’éthique et une formation minimum de cinq ans » explique en préambule Elizabeth Rouault, la présidente de la Fédération Française des Conservateurs-Restaurateurs au cours du petit déjeuner de presse de l’AJP du 18 mars. Avec elle, à la table, Fanny Kurzenne, restauratrice en sculpures de tous types, objets monumentaux ou petits objets et Antonin Riou, spécialiste, pour sa part, de la restauration de photographies.
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De g. à d. : Fanny Kurzenne, sculptures), Sophie Laurant (AJP), Elizabeth Rouault (Pdt FFCR), Antonin Riou (photos)

Ils aborderont tous les trois les spécificités de leur métier : une bonne connaissance de l’histoire de l’art, de bonnes notions de physique-chimie, une bonne vision des couleurs (sic), des épreuves difficiles à passer telles des copies de tableaux, sculptures, dessins ou textiles à réaliser puis 5 ans de travail en plus. Un beau parcours mais qui ne semble pas émouvoir plus que cela le Ministère de la Culture. Or, les Musées de France, par exemple ont l’obligation de ne faire appel qu’à eux pour les restaurations. Ils ne sont pas pour autant fonctionnaires.
Pour un travail effectué chez des particuliers, un diagnostic très sérieux avec photos et texte argumenté doit être établi ; souvent donnant lieu à un véritable catalogue important. Car une prestation, quelle qu’elle soit, ne saurait être terminée tant qu’elle n’est pas documentée. Un devoir de conseil également dans ce cas avec la possibilité de refuser une demande de restauration qui semblerait aberrante ou mettant l’œuvre en danger.
Souvent confondu avec un métier d’artiste ou d’artisan d’art, le conservateur-restaurateur ne crée pas d’objets culturels nouveaux. Il a suivi une formation bien spécifique en conservation-restauration qui lui permet d’intervenir avec des traitements appropriés et un code de déontologie reconnu au niveau international.

Savoir prendre des choix artistiques mais aussi éthiques

Combien de diplômés dans ce domaine en France ? environ 1600 précise Elizabeth Rouault, tous impliqués tant dans la conservation préventive que curative.
Une question se pose également chez eux comme pour les architectes : jusqu’où aller dans une restauration ? Des choix éthiques s’imposent en tenant compte parfois des historiens de l’art voire du public ; E. Rouault cite l’exemple d’un célèbre tableau de Véronèse sur lequel le choix des couches picturales à restaurer s’était imposé. Quelle bonne couleur ? Quel fût le choix original de l’artiste ? Ici encore le choix de l’œil avisé aidé par les techniques de colorimétrie viennent en appui.

Mais quelles sont les difficultés de la profession actuellement ?

Non, les conservateurs-restaurateurs ne sont pas « un métier d’art » comme d’autres ; la FFCR ne dispose pas de points communs avec les métiers d’art dont il existe une liste officielle assortie du fameux code NAS de l’INSEE. La spécificité de la profession pas plus que son niveau académique ne sont pas pris en compte. Les conservateurs-restaurateurs de la FFCR veulent être reconnus par leur diplôme et par leur code d’éthique. Or, la fameuse loi « Patrimoine » en dicussion actuellement ne prévoit pas l’apport de toute une profession ; le Ministère fait semblant de ne pas voir les procédés du métier. La FFCR a souhaité avoir dans les instances ministérielles un interlocuteur « transversal » ; un dialogue existe bien avec l’Institut National des Métiers d’Art mais apporte peu ou pas de solutions.
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Une AJP à l’écoute de la FFCR : infos à relayer

Il faut que nous soyions entendus ; une pétition en cours.

Les conservateurs-restaurateurs ne veulent pas être assimilés aux « métiers d’art » selon la nomenclature habituelle ; ils posent une question pour faire un parallèle : les archéologues, par exemple, sont-ils assimilés à un métier d’art ? Non, bien sûr.
La définition de la profession avait été constituée dès 1984 avec l’ICOM (International Council of Museums). Depuis, les choses n’ont pas bougé. C’est donc pour cette reconnaissance que la FFCR lutte actuellement. Elle a engagé une pétition et son code de déontologie peut être consulté sur Internet.

http://www.petitions24.net/alerte_les_restaurateurs_francais_du_patrimoine_sont_en_danger

G. Levet

NOTE SUR LA FFCR :

Née en 1992, la FFCR a pour vocation de promouvoir la conservation-restauration. Elle est composée de professionnels, diplômés ou reconnus, qui souscrivent à une déontologie : la Définition de la profession publiée par le Conseil International des Musées (ICOM-CC) en 1984 et le Code d’éthique et de formation de la Confédération Européenne des Organisations de Conservateurs-Restaurateurs (ECCO) en 1994. Quatre formations diplômantes sont reconnues par l’état (loi du 4 janvier 2002 – décret 2002-628 du 25 avril 2002) : l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, l’Institut National du Patrimoine, l’Ecole Supérieure des Beaux-arts de Tours et l’Ecole d’Art d’Avignon. Les conservateurs-restaurateurs effectuent un diagnostic, conçoivent et mettent en œuvre des interventions curatives ou préventives sur les biens culturels. Leurs propositions sont argumentées et les différentes étapes d’intervention documentées.

Ci-dessous, la charte déontologique de la FFCR :
textes_reference_ecco.pdf

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