Megève, un patrimoine à faire connaître

Soucieuse de faire découvrir un patrimoine architectural, culturel et religieux peu connu, Sylviane Serraudie, membre associée, a organisé pour l’AJP un voyage de presse. Plusieurs journalistes se sont rendus du 1er au 3 septembre à la découverte des richesses de la ville de Haute-Savoie. Ils ont rencontré les responsables de la culture, des guides du patrimoine des pays de Savoie ainsi qu’une architecte.

L’église Saint-Jean-Baptiste (Photo Arielle de Sainte Marie)

Pendant deux jours et demi, des journalistes membres de l’AJP, ont arpenté Megève et ses environs. Tous connaissaient la célèbre station de sports d’hiver. Aucun n’avait en tête la richesse de son patrimoine religieux ni la qualité des très nombreuses réalisations de l’architecte Henry-Jacques Le Même (1897 – 1997).

Pourtant, à l’été 1902, certains guides présentent Megève comme “une agréable station d’été entourée de prairies parsemées d’oratoires, de croix et de chapelles”. En février 1904, les premiers skieurs viennent de Genève. Val d’Isère débute à peine et Courchevel n’est pas sortie de terre. Les hôtels existants ouvrent à nouveau à la fin de la Première Guerre mondiale et la station est officiellement lancée en décembre 1921. Mais c’est véritablement dans les années 1930 que Megève devient LA station internationale mondaine où il faut être, grâce, en particulier, à l’influence de la baronne de Rothschild. Et dans les années 1960 à 1974 on évoque la “Saint-Tropez des neiges”. Mais pas question du patrimoine.

Le voyage a commencé par la découverte de la place centrale de la mairie désertée des touristes. L’accueil de Sylvain Hebel s’est fait au pied du magasin d’Ambroise Allard, concepteur avec Emile Allais et fabricant du célèbre fuseau de ski. Toujours piloté par Sylviane Serraudie, le groupe a attaqué la montée du Golgotha mégevan. Ce Calvaire fût érigé de 1840 à 1885 sur le modèle du célèbre Mont Sacré de Varallo et a été inscrit à l’inventaire des Monuments historiques en 1988 ainsi qu’à l’inventaire européen des Monts Sacrés.

Montée des journalistes de l’AJP vers le Golgotha… (Photo Arielle de Sainte Marie)

C’est l’époque des apparitions de la Vierge à La Salette et à Lourdes. Le curé Ambroise Martin a la volonté d’élever la foi de ses ouailles. Il implique les villageois, les incitant à donner de leur temps, de leurs forces et… une partie de leurs maigres revenus. « La religion leur permettait de supporter leurs dures conditions de vie », raconte Edouard Apertet, guide du patrimoine des Pays de Savoie.

Le calvaire est composé de quatorze stations et deux chapelles consacrées à la Vierge. A l’intérieur des oratoires, des peintures et des scènes, composées de sculptures en bois polychrome, retracent la Passion du Christ. L’ensemble a été créé pour frapper le pèlerin et le résultat reste aujourd’hui encore tout à fait impressionnant. Une grande campagne de restauration a eu lieu de 2001 à 2011 mais certaines stations nécessitent encore une intervention pour pallier les dégâts de la fonte des neiges. Une rencontre avec madame le maire a permis de confirmer l’intérêt des Mégevans pour leur patrimoine en particulier religieux et la volonté de continuer à le préserver.

Station où Jésus est condamné à mort. (Photo Arielle de Sainte Marie)

Le voyage s’est poursuivi la découverte de l’église Saint-Jean-Baptiste. Sa présence remonterait d’après Sophie Blanchin, une autre guide du patrimoine des Pays de Savoie, à 1202. L’édifice reconstruit au XVIIe siècle puis modifié et agrandi, a subi les vicissitudes de la Révolution. Son clocher surmonté d’une flèche à bulbe a été « décapité par les révolutionnaires » (sic)

L’intérêt de cette église réside en particulier dans les peintures de François Mucengo (notamment dans les quatre quadrilobes de la nef où se trouvent 64 scènes de la vie de saint Jean-Baptiste, avec, en leur centre, des médaillons représentant les docteurs de l’Eglise) qui couvrent voutes et contre-voutes. Le retable baroque et deux autels latéraux du XIXe sont surmontés d’une peinture et de sculptures (l’église en possédait onze, eux-aussi détruits à la Révolution). Des fonts baptismaux du XIIIe siècle, un orgue des Frères Callinet (1842) et 26 vitraux du maître verrier François Hugot, sans oublier une chaire sculptée, complètent ce riche décor. Le père Ambroise Martin, commanditaire des peintures du plafond est inhumé au pied du maître-autel.

Grâce au soutien d’un mécène, l’extérieur de l’église a été rénové ainsi que la toiture. L’ensemble ayant coûté plusieurs millions ! Mais une autre phase de travaux s’avère nécessaire. Certaines peintures en badigeon du plafond ont, en effet, été fortement endommagées par des infiltrations.

Autre monument patrimonial : la chapelle Sainte-Anne située à droite de l’église. Bâtie au XVIe siècle, elle a été détruite par un incendie. Un ex-voto remercie Jean-Baptiste Perriné, un habitant parti faire fortune à Vienne, pour avoir financé sa reconstruction en 1728. Désacralisée, elle a servi de salle de judo avant d’être rendue au culte en 2014. Au-dessus du modeste autel, trône une icône en mandorle représentant un Christ en gloire entouré du tétramorphe.

L’ancienne ferme (Photo Georges Levet)

Au détour des rues du village, se dévoile un petit patrimoine : chalets en pierre et bois, pont surmontant un cours d’eau…et cette maison qui fût une ancienne ferme devenue relais de poste et l’une des plus anciennes du bourg ; une des seules ayant survécu aux grands incendies et aux réfections radicales.

Une stèle en pierre sur la place d’un des très nombreux oratoires porte même la mention « En mémoire de la visite de saint François de Sales [patron des journalistes], 24 juillet 1606 ».

Le voyage s’est achevé par une rencontre avec Marie Allard, architecte DPLG et ancienne collaboratrice de Henry-Jacques Le Même. Elève de Ruhlmann , il fût le principal artisan de la mutation de la bourgade rurale en luxueuse station alpestre. Il est l’auteur de très nombreux chalets mais aussi d’hôtels, d’immeubles collectifs, d’établissements scolaires, de bars, de dancings ou de garages. C’est en 1925 que la baronne Noémie de Rothschild lui commande une maison de villégiature semblable à « une ferme savoyarde ». Le « chalet » est inauguré en 1927 et plus de 1000 autres suivront dont 200 à Megève même, le dernier étant pour Marcel Dassault. Sa propre maison-atelier (1929) est inscrite aux Monuments historiques depuis 1995. Il a également largement participé à la restauration de l’église Saint-Jean-Baptiste en 1955. Trois de ses chalets mégevans bénéficient du label Patrimoine du XXe siècle.

Vue sur la station depuis le début du calvaire. (Photo Arielle de Sainte Marie)

Une exposition « Jean Marais, éternelle étoile de Cocteau » est ouverte à la visite actuellement,consacrée à l’univers des deux artistes. Le couple a en effet contribué à accroître la notoriété de Megève. L’un y trouvait l’inspiration, l’autre présentait le village comme  le « 21e arrondissement de Paris ». Fabienne Bétend a détaillé une foule d’objets personnels (lettres, certificat de la Légion d’Honneur, papiers d’identité, anecdotes de ses tournages, environ 500 œuvres) mais surtout les nombreuses créations artistiques de Jean Marais souvent influencées par Colette, Gabrielle Chanel et Picasso. Il était peintre, céramiste, créateur de mode et auteur de contes pour enfants. Des aspects peu connus du public. L’exposition se termine par la projection d’un petit film très émouvant provenant de l’émission Le Divan d’Henri Chapier où le Jean Marais intime se livre en toute simplicité.

Georges Levet

Contacts :

Sylvain Hebel, conseiller délégué à la culture

sylvain.hebel@megeve.fr

Marie Allard – Architecte

architecte770@orange.fr

Sophie Blanchin – Guide du patrimoine des Pays de Savoie

sophie.blanchin@yahoo.fr

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